Dimanche 7 juillet, commémoration du massacre de Lambruisse
Lambruisse : Ils étaient jeunes et rêvaient de liberté
Le 6 avril 1944, le maquis de Lambruisse (Basses-Alpes) tombait après qu’une vingtaine de résistants aient lutté plus de six heures face à des centaines de soldats allemands et miliciens.
La seconde guerre mondiale et la Résistance ont cela de particulier que beaucoup de ses batailles se sont déroulées dans des paysages des plus remarquables. Qui pourrait croire qu’au pied de la paisible colline de Cheval Blanc, dans les Alpes de haute-Provence a eu lieu l’un des pires massacres de maquisards dans la région.
C’était le 6 avril 1944 à la ferme Laval, à Lambruisse, à 20 km de Digne. Une vingtaine de jeunes ont lutté pendant près de six heures face aux armées allemande et italienne et à la Milice. Entre ce massacre et celui deux jours plus tôt à la Braisse, on parle d’une vingtaine de résistants exécutés et autant de prisonniers. Les blessés seront achevés puis brûlés, les survivants envoyés en camp.
Parmi eux, de nombreux jeunes de La Ciotat (Bouches-du-Rhône) et partisans italiens.
Récit :
La ferme Laval est aux abords de Lambruise. Il y fait froid en ce début de printemps. Le lieu est dénudé de grosse végétation mais à l’avantage d’être près d’un point d’eau. Rapidement, 120 hommes des 1ère et 2e compagnies FTPF de Provence y sont réunis. « Nous sommes partis à sept Ciotadens » rappelait régulièrement Roger Luquet, un des rares survivants, décédé en septembre 2013. « C’était le 7 février 1944, nous avions entre 17 et 19 ans ».
Pour atteindre la maquis, une première halte est faite à Marseille. Puis direction Saint-Maximim (Var). Ils sont accueillis par le communiste Henri Diffonty, commissaire aux effectifs, lui aussi Ciotaden mais d’une autre génération. Agé de 46 ans, l’homme est surpris par leur style « zazou ». « Il ne pouvait s’imaginer combien nous étions motivés. Nous serions de vrais volontaires. Nous ne rentrions pas dans la résistance par crainte d’être inquiétés par qui que ce soit. Nous aurions pu rester bien tranquillement chez nous. Mais nous n’acceptions pas de voir notre pays occupé par les Allemands et nous voulions nous battre pour la libérer » poursuivait Roger Luquet.
Le groupe rejoint Lambruisse. Les déplacements se font prudemment. Face au danger, un groupe de 120 hommes risque d’être repérés. On l’éclate en trois détachements plus un groupe volant.
Le 4 avril, alors qu’un détachement est positionné en attente de retrouver un groupe de la 2e compagnie, il tombe dans une embuscade à La Braisse. Les Allemands avaient intercepté deux maquisards partis chercher des ravitaillements. Ils les avaient fait parler pour localiser le groupe de La Braisse. Les miliciens s’étaient déguisés en résistants pour attaquer : 8 morts. Les prisonniers sont interrogés. Les Allemands apprennent qu’un groupe est resté posté à la ferme Laval.
Le jour se lève, ce tragique 6 avril. Un cri soudain. « Les Allemands arrivent! » lance-t-on « I Tedeschi! » histoire d’alerter les résistants italiens. Environ 300 soldats ennemis épaulés par les miliciens s’approchent. « Nous avons été réveillés en sursaut. Mais très vite l’instinct de conservation reprend le dessus. Nous prenons nos mitraillettes, nos revolvers et nous nous précipitons dehors par l’arrière de la bergerie » évoquait Roger Luquet.
Le chef de maquis Henri Diffonty ordonne la dispersion. Les résistants sont pris sous le feu du canon mortier, des mitrailleuses lourdes. « Pour faire face nous n’avions que nos mousquetons, nos mitraillettes et nos grenades. Nos moyens étaient très faibles mais, malgré tout, nous avons infligé des pertes à l’ennemi dont la supériorité en hommes et en armes était écrasante » narrait Alfonso Del Vicario, un partisan italien survivant.
Ils tiendront plus de six heures. Une fois les munitions épuisées, ils se mettront à tirer des… pierres. « Le soleil est haut dans le ciel. De ses rayons ardents il éclaire le drame, il illumine pour la dernière fois le visage des héros qui vont mourir » ajoute Del Vicario. Les maquisards fuient les balles, mais en remontant la colline plusieurs sont fauchés… « Il n’y a pas d’arbres et la végétation basse ne nous permet pas de nous dissimuler. Au bout de quelques instants nous sommes repérés. Un véritable déluge de feu s’abat autour de nous » rapportait Roger Luquet.
Son ami ciotaden Romana est touché, il demande qu’on l’achève. Un autre blessé, Missud, se suicide. Les hommes, valides ou blessés, sont arrêtés, mis face au mur. « Qui sont les chefs ? » demande un officier. « A tour de rôle nous répondons que nous ne les connaissons pas, qu’ils ne sont pas dans la montagne avec nous » racontait Roger Luquet.
Un déserteur allemand qui avait rejoint le maquis dénonce Diffonty. Un bourreau est désigné. Les premiers coups de feu, secs, partent dans la bergerie. Les blessés sont exécutés un à un. Un « halt » du capitaine Staudaker qui a appris que le groupe n’était pas au complet demande de les épargner pour les faire parler. Ils sont enchaînés et chargés sur des camions. Les blessés sont rassemblés dans la bergerie, achevés et l’édifice brûlé.
Après trois jours d’interrogatoires, aucune information ne filtre. Les prisonniers seront transférés aux Baumettes à Marseille, puis à Compiègne, avant les camps de concentration. Roger Luquet survivra.
Un article de Sébastien Madau paru dans La Marseillaise du 7/4/2014
Comme chaque année l’ANACR organise, avec le soutien de la Ville de La Ciotat, un déplacement à Lambruisse, haut lieu de la résistance ciotadenne, pour rendre un hommage à tous les résistants massacrés et brûlés dans la ferme de Laval.