Samedi 28 septembre, à 18h30, au Cercle de la Renaissance, Un passé simple, spectacle de Gérard Giovannangeli
J‘ai deux amours, Rosa et Luxemburg » fredonne Paco, en marcel blanc, et tout de même petites lunettes d’intello. Ancien métallo, viré de « la Répa », la réparation navale de Marseille.
Paco, c’est Gérard Giovannangeli dans la vie : entre morceaux de sa propre existence et fiction, il invente un double, un proche. Lui est né dans les années 1950, et s’est trouvé frappé en pleine adolescence par Mai 68.
Puis il nous raconte sa vie passée, son mariage et son logement, sa rencontre avec Rosa à la section syndicale. Son mariage, c’est un rêve marseillais : sur la jetée, avec des sardines et des rougets, comme chez Robert Guédiguian.
Paco sait de quoi il parle car Gérard s’est établi à la Répa pendant son expérience politique. « Mao spontex, j’avais 17 ans au lycée Thiers en 1968 »
Paco raconte avec passion les hélices en bronze de 60 mètres. Chaudronniers, soudeurs, toute une litanie de métiers. « On était respectés. On est passés de l’Âge d’or à l’âge de la rouille. »
Il nous raconte son fils devenu député — vague bleue marine. Une honte pour tous ceux qui sont au Parti et à la CGT dans la ville dirigée par Gaston Deferre. Un fils appelé Buonaventure comme Durruti, tué aux portes de Madrid en 1936. Un fils devenu député dans le camp adverse. Paco a envie de lui mettre « une rafale de phalanges ». Et il a trahi jusqu’au bout, avec son accent pointu et ses relations chez les bourges. Le gamin était parti faire son droit, puis il est passé à droite. Paco n’élude pas les critiques sur la dictature stalinienne mais qu’est ce qu’ils y pouvaient, eux, sur le port…
Paco défend les prolos qui ne sont pas allés à l’école, les Krasucki qu’on moquait pour leur façon de parler.
Gérard, lui, comme une partie de sa génération, a vécu sa révolution, celle de Mai 68, contre les anciens de la CGT, ceux de la Résistance. Deux générations se sont affrontées alors qu’elles avaient un ennemi commun…
Un vrai pont entre les sujets politiques et sociaux d’autrefois et d’aujourd’hui
Gérard Giovannangeli a écrit cette pièce en quinze jours. Établi sans consigne après 1968, il reste à la Répa dans une des boîtes du port durant 6 années. « La répa c’était le donjon » question syndicat, c’était la CGT et rien d’autre. Les autres, des cagoulards ! Il travaillait « au bord, c’est à dire sur les quais plutôt qu’aux ateliers. On pouvait roupiller dans les cordages quand on était crevé. » Il préférait la « petite nuit », quelques heures bien payées en horaires de nuit. Quand les boîtes ont viré tout le monde, choc pétrolier venant, il est devenu directeur dans l’insertion en embauchant tous les cassés du système.
Gérard a écrit cette pièce sur la mémoire ouvrière pour rendre hommage à tous ces militants droits comme des I. Eux qui sont l’objet de sarcasmes selon lui. « Je te voyais pas avec la cravate », avoue son père corse alors que le petit était un brillant élève du lycée Thiers. Promis à devenir ingénieur, l’héritage politique l’a remis parmi les siens, le peuple. C’est quoi, la filiation, l’héritage ?
Avec cette pièce, il émeut, il amuse, il n’oublie rien.
Au Cercle de la Renaissance (salle du 1er étage), avenue Galliéni, face à la Poste.
PAF 5 euros avec apéro à la fin du spectacle.